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L'Académie du Faucigny a 80 ans !

Publié par Académie du Faucigny

Discours prononcé par Juliette Châtel, présisdente de l'Académie du Faucigny, en ouverture du 47e Congrès des Sociétés Savantes de Savoie, à La Roche-sur-Foron, le samedi 29 septembre 2018.

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En 2018, l’Académie du Faucigny a fêté, les quatre-vingts ans de sa création. C’est encore une jeune dame si l’on en juge par l’ancienneté de ses consœurs.

Tout commença à Bonneville, un 24 septembre 1938 ; une douzaine de personnalités, issues de la bonne société bonnevilloise, étaient réunies, dans la salle de la bibliothèque de la « Glaneuse du Faucigny », pour mener à bien un grand projet : préparer la naissance de l’Académie du Faucigny et combler une lacune. Depuis 1886, presque toutes les provinces de Savoie avaient leur propres sociétés savantes ; un certain nombre de faucignerands participait régulièrement à leurs travaux, mais le Faucigny en tant que tel, brillait par son absence. Cette province à l’histoire souvent mal connue, pouvait encore susciter de nombreuses recherches permettant de mieux faire connaître ce territoire doté d’un riche patrimoine dont la population ingénieuse et laborieuse tissait désormais un avenir tourné vers les nouvelles industries et le tourisme. Cela méritait bien la création d’une académie.

Un comité provisoire qui comprenait des personnalités de la société civile - un seul enseignant, pas d’historiens en titre… et pas encore de dame à l’horizon - se mit au travail dès le 8 octobre 1938 pour rédiger un projet de statuts inspirés de ceux de l’Académie Chablaisienne.

Une naissance attendue

Le 5 novembre 1938, à 16 heures, l’assemblée constitutive se réunissait dans les salons de l’Hôtel de Ville de Bonneville et établissait, à l’unanimité des présents, une liste de quatre-vingt-onze membres avant de faire approuver des statuts dont le prologue fixait le rôle de l’Académie, à savoir :

« L’étude des questions historiques, archéologiques et scientifiques intéressant la Savoie et en particulier l’ancienne province du Faucigny ; elle encourage également les lettres, les sciences et les arts de cette province.
Elle recueille et conserve dans ses archives, les manuscrits, chartes et documents pouvant intéresser l’histoire locale […] Elle encourage tout ce qui est bien, utile et réalisable, pour contribuer au bon renom et à la gloire du Faucigny. »

Puis ce fut l’élection des seize membres du conseil d’administration : sept membres investis des fonctions de direction et neuf membres représentant chacun un canton du Faucigny.

Le comité de direction comprenait sept personnes ; aux membres effectifs étaient joint des membres d’honneur, des membres associés et des membres correspondants, soit cent dix-huit personnes concernées. L’Académie du Faucigny venait de naître. Il ne lui restait plus qu’à se mettre au travail.

À la séance inaugurale du 7 janvier 1939, le président Perret (avocat à Bonneville) se projetait dans l’avenir avec un brin de lyrisme :

 « Le Faucigny pourra être fier un jour de son Académie si nous savons lui épargner les dangers de l’indifférence et du laisser-aller, si nous restons vigilants dans la réalisation du but que nous nous sommes donnés, et si surtout nous pouvons transmettre aux jeunes qui viendront après nous, non pas la flamme vacillante d’espoirs plus ou moins déçus, mais le flambeau toujours ardent de notre culte du vrai, du beau et du bien…
Trempons pour cela nos énergies dans les splendeurs de notre beau Faucigny ; pénétrons-nous des spectacles étourdissants de beauté qu’il nous offre sous les aspects les plus divers, que ce soit ses cimes que les neiges éternelles gardent immaculées, ou la verdeur reposante de ses pâturages ou encore les teintes sombres de ses belles forêts de sapins. Sachons admirer aussi ses riantes vallées aux aspects si divers où vivent nos laborieuses populations dans la sérénité du devoir accompli chaque jour avec la plus stricte ponctualité.
C’est en communiant toujours davantage avec ces incomparables beautés que nous trouverons les inspirations nécessaires à l’hommage que nous voulons rendre à notre petite patrie. »

Les conférences de l'Académie du Faucigny

Ce même jour, Casimir Pernat (notaire) et Lucien Guy (agent d’assurances) ouvraient la série des conférences qui, dans un premier temps, parleront surtout de l’histoire ancienne du Faucigny.

À la fin de 1939, les séances, où comme à l’accoutumé, plusieurs conférenciers interviennent, sont ouvertes aux élèves-maîtres de l’École Normale d’instituteurs et aux grandes élèves de l’École supérieure de filles… C’est alors que l’entrée en guerre de la France leur porte un coup d’arrêt et il faut attendre janvier 1940 pour qu’elles reprennent un cours normal, l’année 1941 sera prolifique avec pas moins de neuf séances pour quatorze sujets présentés ; parmi les conférenciers, un jeune bonnevillois de vingt et un ans, agrégé de lettres : Paul Guichonnet.

Son sujet d’étude : « Bonneville en 1800 ». Paul Guichonnet venait de mettre un pied à l’Académie du Faucigny, il ne la quittera plus jamais. Déjà arriva sa deuxième conférence (« Un bonnevillois administrateur du Faucigny, l’intendant Dupassier (1702-1784) »), suivie de très nombreuses autres.

Quand les bruits de bottes résonnent dans la région, les conférences se raréfient et malgré la paix revenue, les années 1944-1950 voient seulement trois séances par an. Le comité de direction est réduit à cinq membres, Paul Guichonnet y occupe le poste de secrétaire-trésorier. En 1954, le rythme des séances est encore de quatre par an avec chaque fois deux ou trois conférenciers. À partir de 1968, il n’y aura plus qu’une conférence par an.

Les années passant, les dirigeants changent : en 1947, Lucien Guy est élu président, Paul Guichonnet d’abord secrétaire général lui succédera en 1965. On peut signaler, le fait est rare dans les soixante premières années, une femme, Céline Blanc a occupé le poste de vice-présidente en 1956. Très active au sein de « La Glaneuse du Faucigny » elle a participé aux premiers travaux de l’Académie.

Les publications de l'Académie du Faucigny

Depuis 1939, l’Académie fait paraître chaque année les « Mémoires et Documents » qui rassemblent, outre les textes des conférences, les comptes-rendus d’assemblée générale, la liste des membres d’honneur, des membres effectifs, des membres associés et des membres correspondants, sans oublier la page nécrologique qui annonce petit à petit la disparition des premiers fondateurs. Puis vient un temps où les publications paraissent moins souvent, un volume regroupe souvent les travaux de plusieurs années. Elles resteront cependant une source de recherches et les 16 volumes seront présents dans les bibliothèques des fidèles de l’Académie.

Une académie itinérante malgré elle

Malgré sa renommée qui grandit, l’Académie va rester longtemps « SDF ». Au moment de sa création, elle partageait, à la mairie de Bonneville, des locaux, avec la bibliothèque « La glaneuse du Faucigny ». Cet espace devenait exigu ; après la guerre, la fin des prisons au château de Bonneville qui laissait des pièces vides, faisait entrevoir la possibilité d’occuper un espace mieux adapté. Ce vœu pieux ne se concrétisera jamais. Actuellement, le château est en cours de restauration et d’aménagement, mais l’Académie a quitté Bonneville !

Le château de Faucigny, par Annick Terra Vecchia.
Le château de Faucigny, par Annick Terra Vecchia.

Une nouvelle ère

En 1993, Claude Castor succède à Paul Guichonnet et de nouveaux projets vont ramener l’Académie du Faucigny sur le devant de la scène. Cela passera par la reprise des parutions, le dépoussiérage des statuts, l’obtention d’un local et la mise en place de la bibliothèque.

La modification des statuts est votée à l’assemblée générale du 8 décembre 2001, un nouveau conseil d’administration de neuf membres dont Claude Castor garde la présidence, est élu.

Bientôt un véritable siège pour l'Académie du Faucigny

L’Académie du Faucigny travaillait depuis longtemps déjà avec Les Amis du Vieux La Roche, dont Michel Thabuis était président. Leur collaboration pour l’organisation du congrès de 1995 organisé à La Roche dans des locaux mis gracieusement à disposition par le maire M. Jacques Lansard, resserre un peu plus les liens. Michel Thabuis est élu maire en 2001. C’est alors que la municipalité envisage la réhabilitation du groupe scolaire du Plain Château en vue de locaux à vocation culturelle, et l’Académie du Faucigny serait la bienvenue dans ce projet. Dans cet espace, le château de l’Échelle offre des salons pour les réunions et un sous-sol pour le stockage des livres. C’est à plus long terme, la possibilité d’avoir les locaux définitifs devenus indispensables. Le changement de siège est décidé.

Un château, une bibliothèque, 22 000 livres

Depuis longtemps déjà, Suzanne et Paul Guichonnet avaient souhaité que le fond savoyard de leur bibliothèque ne soit pas dispersé mais dévolu à l’Académie du Faucigny. Après le décès de Suzanne, en 2002, Paul réaffirme la volonté de respecter cette décision. Cela représente la mise à disposition des chercheurs d’une masse documentaire considérable, plus de 10 000 volumes et de nombreuses revues. La « Bibliothèque Paul et Suzanne Guichonnet » était née. Elle occupe désormais une large place au 1er étage du château de l’Échelle dans les locaux rénovés mis à la disposition de l’Académie du Faucigny. Ce fonds a été suivi par la bibliothèque des Missionnaires de la Congrégation des Rédemptoristes, 8 000 ouvrages, dont les plus anciens, en parfait état, datent du de XVIe siècle, puis par les livres du sanatorium « Martel de Janville », 4 000 volumes.

En juillet 2007, le « Projet CASSS » (Catalogue des Sociétés Savantes de Savoie) se met en place : la bibliothèque s’ouvre à l’ère de l’informatique !

Claude Castor décède en novembre 2008, après avoir accompli un travail sans relâche pour le rayonnement de l’Académie. À la bibliothèque, un « fonds Claude Castor » rassemble une grande partie de ses livres.

Lorsque, en novembre 2008, Dominique Maye est élu président, il rend hommage à Claude Castor : « Un homme toujours à l’écoute, sensible discret, […] associant avec bonheur courtoisie et bénévolat » et s’engage « à reprendre la tête de cordée dans le respect de ce qui a été fait avec la promesse de relever les défis futurs ».

Une tâche immense mais ô combien passionnante !

La tâche qui se présente alors est considérable. Il faudra quatre ans pour voir l’attribution de locaux définitifs car, si des projets voient le jour, ils se modifient au fil du temps, le site du Plain château étant en pleine restructuration. C’est le temps de la débrouille. Pour le tri et l’archivage des livres, on travaille dans d’anciennes salles de classe ou dans des pièces au rez-de-chaussée du château, cuisine comprise ! Finalement, de nombreuses heures de réunion et de discussions avec la municipalité aboutiront à une solution qui satisfait tout le monde : l’Académie du Faucigny s’installera au 1er étage du château dans des locaux entièrement refaits. Les travaux débutent en décembre 2012 et sont loin d’être terminés quand, à la demande de Michel Thabuis, l’inauguration a lieu le samedi 6 juillet 2013, en présence de Paul Guichonnet.

Malgré tous ces aléas, le travail s’est poursuivi inlassablement chaque semaine. Petit à petit la bibliothèque a pris forme, les livres ont trouvé place sur des rayonnages adaptés dans les salles réservées soit une salle entière pour les livres de Paul Guichonnet.

L’informatisation d’une partie des livres a pu continuer pour la mise en œuvre du CASSS. La tâche n’est pas terminée pour autant.

Le cycle des conférences a repris, dans les salons du château puis dans la salle des livres anciens. La célébration du 150e anniversaire de l’Annexion de la Savoie à la France en a été un moment fort avec l’exposition préparée pour l’événement.

Dix années bien remplies pour le président Dominique Maye. S’il a dû remettre sa charge pour cause de maladie, il a conduit sa cordée au point où l’on doit poursuivre l’ascension. À la demande de Paul Guichonnet, j’ai accepté de prendre le relais pour que la route continue.

Pour terminer, je voudrai rendre hommage à tous ceux qui ont été les acteurs de la pérennité de l’Académie durant ces vingt dernières années avec une pensée toute particulière pour ceux qui nous ont quitté : Claude Castor il y a tout juste dix ans et Michel Thabuis, au début septembre 2018.

Il n’est plus là non plus, au terme d’une vie bien remplie, il est parti pour le pays du grand repos. Paul Guichonnet restera présent parmi nous grâce à ses nombreux écrits, nul n’oubliera avec quelle langue experte il savait si bien conter la grande comme la petite histoire dont il distillait chaque fois quelques anecdotes croustillantes, dans une conférence savamment élaborée.

Un dernier mot encore pour tous ceux qui travaillent à la bibliothèque. Ils sont rarement dans la lumière, mais sans eux rien n’existerait.

Merci à tous. Je vous donne rendez-vous dans vingt ans pour le centenaire.

 

Juliette Châtel, présidente de l’Académie du Faucigny
La Roche-sur-Foron, le 29 septembre 2018

 

Les présidents de l'Académie du Faucigny depuis 1938 :
- 1938-1947 : Me Charles-Henri Perret (1880-1950), avocat.
- 1947-1965 : M. Lucien Guy (1890-1975), agent général d'assurances.
- 1965-1993 : Pr Paul Guichonnet (1920-2018), professeur d'université.
- 1993-2008 : M. Claude Castor (1936-2008).
- 2008-2018 : Dr Dominique Maye (né en 1941), médecin obstétricien.
- Depuis 2018 : Mme Juliette Châtel (née en 1942), institutrice.

Présidents d'honneur :
- Charles-Henri Perret (1947-1950).
- Paul Guichonnet (1993-2018).
- Dominique Maye, depuis 2018.


L'une des plus anciennes vue du Faucigny, depuis la rade de Genève :

La Pêche miraculeuse, Konrad Witz, 1444. Musée d'Art et d'Histoir de Genève

La Pêche miraculeuse, Konrad Witz, 1444.
Musée d'Art et d'Histoire de Genève.

Dans la peinture européenne, cette vue du Faucigny (avec Le Môle en perspective), depuis la rade de Genève, est la première représentation d'un paysage topographiquement exact et occupant une place prépondérante dans une scène biblique. Le tableau fait allusion à la situation de l'Église au moment du concile de Bâle (1431-1439), affirmant la prééminence du rôle de Pierre, dont la conduite n'est possible que grâce à l'intervention du Christ. Un souci politique manifeste le fait situer la scène dans les terres du duc Amédée VIII (1391-1439) de Savoie que le concile a élu pape sous le nom de Félix V, en 1439.

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